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1666

Charles Cotin, La Critique désintéressée sur les satires du temps

s.l.n.d.

L'effet magique des vers

Dans ce texte polémique qui répond à la publication des Satires de Boileau, une distinction est établie entre la pompeuse grandiloquence à l'antique de Boileau, lorsqu'il condamne les courtisans, et la véritable force des vers du Tasse et de l'Arioste, rendue palpable lors des spectacles qui se sont inspirés de ces auteurs :

La Cour ne se pique pas ordinairement de Grec et de Latin, elle aime mieux faire les belles choses que de les lire. Elle n'a peut-être pas lu dans Homère et Virgile, mais elle a pu lire dans le Tasse et dans l'Arioste, [quelle] est la vertu magique des paroles, quelle est la force impérieuse des vers, par qui les Alcines et les Armides ont arrêté le Soleil au milieu du ciel, ou l'ont empêché de se précipiter chez Thétis
Quand la rapidité de sa course avancée
Ne se peut comparer qu'au vol de la pensée.
La Cour a pu voir quelque image de ces effets prodigieux des mots magiques, soit dans le grand salon du Louvre, soit sur les théâtres des comédiens. Mais ce que la Cour n'a jamais vu - la Cour où tant de braves demandent souvent des éclaircissements d'un geste, d'un tour de main, d'un ton de voix - c'est qu'il y ait un art poétique si absolu sur les plus délicats et sur les plus forts esprits des grands Seigneurs qu'il les contraigne d'applaudir à toutes les calomnies dont on les charge, à toutes les injures dont on les noircit, à toute l'infamie dont on les couvre.

Édition de 1690-1700 en ligne sur Gallica p.42-43


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