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1694

Louis-François Ladvocat, Correspondance théâtrale entre Louis-François Ladvocat et l'Abbé Dubos

Mercure musical, vol. 1, 1 décembre 1905.

Lettre du 5 septembre 1694

Publiée au début du XXe siècle, cette correspondance présente un caractère exceptionnel de par les détails particuliers qu'elle donne sur différents spectacles. Voici les éléments saillants relatifs au 5 septembre 1694 :

Je commence, Monsieur, à vous faire réponse à la dernière que vous avez eu la bonté de m'écrire et à vous dire que jeudi dernier M. Pecourt fit venir chez lui Mlle Cherier. Il n'y avait dans la chambre que Colasse. Elle chanta et, m'ayant prié de dire mon avis après qu'elle fut sortie, je leur dis que je lui trouvais la voix égale et beaucoup de justesse, qu'elle avait quelques cadences trop longues et trop tremblantes que cela se pourrait corriger dans la suite, que la représentation sur le théâtre en serait agréable, quoique d'ailleurs elle ne fût aussi touchante que les actrices que nous avons, néanmoins, elle avait un visage à la romaine qui exprimerait assez bien les passions tendres, etc… qu'en un mot elle doublerait assez bien les rôles de la [Desmartins] et de F. Morau. Le geste est assez naturel et les yeux ressentent assez les mouvements des passions qu'elles représentent, si leurs mouvements n'étaient si violents par une agitation trop fréquente qu'elle donne à ses prunelles en les tenant presque toujours attachées au plafond de la salle. En un mot, les trois représentations qu'elle a données au public nous ont fait connaître sa docilité, puisqu'elle a profité des avis qu'on lui a donnés. Elle n'a pas la voix si haute que Mlle Renaud, mais elle l'a plus régulière et plus tendre et je crois que quand vous l'entendrez elle vous plaira.

J'ai entendu lire l'opéra de Théagène et de Chariclée, où il manque deux actes. Le canevas m'en parut extrêmement intrigué et je crois qu'il aurait peine à le développer avec toute la netteté qu'il est nécessaire dans un sujet d'aussi peu d'étendue que l'est un opéra, dont les expressions sont coupées par le peu d'étendue que laisse le chant pour s'exprimer. Cependant, dans les vers qu'il nous lut, nous trouvâmes qu'il nous avait entièrement satisfaits. Il y a de l'héroïque et du surprenant par la diversité des incidents vraisemblables, qui se contrastent si bien les uns avec les autres qu'ils surprennent agréablement l'esprit de l'auditeur par leur nouveauté, et le dénouement ingénieux qui est d'autant plus agréable que l'on l'avait le moins prévu. Desmarets en a fait le premier air qui répond parfaitement à la noblesse du sujet, qui est grave et sérieux. Pour l'Adonis, je vous dirai que je crois assez difficile de le mettre en de meilleures mains. J'en suis d'autant plus persuadé que j'en ai de bonnes preuves dans les vers que vous avez eu la bonté de m'envoyer.

Disponible sur Blue Mountain Project, p. 27-28, ou 577-578 de l'édition originale.


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