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1667

Charles Robinet, Lettres en vers

Paris, Chénault, 1667.

Représentation de Tartuffe

Dans sa lettre du 6 août 1667, Robinet relate la représentation de la veille du Tartuffe, bientôt à nouveau interdit en l'absence de Louis XIV.

Belle Princesse, un imposteur
Aujourd’hui me met hors de gamme.
Il faut que je l’avoue, il me fait perdre cœur,
Et je n’ai ni vigueur ni flamme.
Vous avez encor dans l’esprit
Toutes les choses qu’il vous dit.
Il occupe encor vos oreilles
Depuis le dernier jour qu’il vous raisonna tant,
Et, quand je ferais des merveilles,
Autant, je m’en assure, en emporte le vent.
Hélas ! vous avez écouté
Avec plaisir, avecque joie,
Ce que le séducteur devant vous a conté,
Et de me faire ouïr je ne sais plus de voie.
Mais quoi ? qui ne l’écouterait
Et qu’est-ce qu’il ne séduirait
Quand il est instruit par Molière ?
Hélas ! Madame, hélas ! tout viendra l’écouter ;
Il aura de chacun l’oreille toute entière,
Et d’avoir charmé tout il pourra se vanter.
Dès hier, en foule on le vit,
Et je crois que longtemps on le verra de même ;
On se fait étouffer pour ouïr ce qu’il dit,
Et l’on le paye mieux qu’un prêcheur de Carême.
Princesse, agréez néanmoins
De ma Clion les petits soins ;
Daignez lui donner audience :
Je puis vous assurer qu’elle fait de son mieux
Pour plaire à votre esprit, qui n’est qu’intelligence
Et qui brille de pair avec vos divins yeux.

Transcription de David Chataignier disponible sur le site Molière21.


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